LePresta #3 - 01-11-06
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A la radio
Les prestas et les autres pourront écouter le
samedi 4 novembre, de 11h30 à 13h30, l’émission « Chroniques
syndicales » sur Radio libertaire (89.4) consacrée au
techno-servage : Les informaticiens et les sociétés de prestations,
avec des informaticiens, syndiqués ou non. |
Retour
sur la condition informaticienne
Une experte du secteur des services informatiques
s'exprime fin 2001 : « La crise a créé une prise de conscience
bénéfique ; les salariés sont plus responsables et moins
"volatils" qu'avant ; les employeurs ont compris qu'il fallait
gérer sérieusement les compétences. » (1).
Mais un an plus tard, la presse managériale titre « Les activités de
services s'enfoncent dans la tourmente », « les SSII pensent
avoir touché le fond », « SchlumbergerSema supprime 1.600
emplois », « Les SSII licencient en catimini »... ll faudra
attendre 2005 pour constater une diminution, quoique faible, du chômage
dans le secteur.
La "crise" a donc duré plus longtemps que
prévu. Fin 2001, après l'éclatement de la bulle Internet, on écrivait
déjà dans la presse que les SSII, cette fois-ci, avaient compris la
leçon. Mais on est parfois un peu moins hypocrite : « Quand
l'économie est florissante, on peut se permettre de travailler sur ce
qui, au-delà des bonnes intentions, apparaît toujours comme un luxe.
C'est la même chose en ce qui concerne la gestion du capital humain.
» (2).
Le "capital humain", nous donc, mérite plus ou moins d'égard
en fonction de la grande horlogerie économique. Pour être plus clair :
« On repère les "low-performers", la plupart du temps des
débutants ou des généralistes, et on déclenche des procédures de
licenciement individuelles, en général pour performances insuffisantes
» (3).
Cette brutalité de la sous-traitance informatique vous
effraie ? Pourtant, l'utilisation intensive des technologies de
l'information et de la communication ne part guère d'un autre postulat.
Un de ces nombreux outils promet ainsi « une vision globale de la
gestion des flux transversaux d'une entreprise : suivi des contrats, suivi
du travail des collaborateurs intérimaires, suivi des projets
informatiques (coût, dépassement de budget, respect des délais, etc.)
» (4).
Avec cette précision importante : « Toutefois l'utilisation de ces
fonctionnalités suppose au préalable une très large adoption des
technologies Internet dans le mode de fonctionnement et de gestion du
système d'information de l'entreprise. ». Autrement dit, le
déploiement de la brutalité gestionnaire exige de la part de ses
destinataires, de façon essentielle, que ces derniers s'investissent dans
le maniement technique des "nouvelles" technologies. Ce n'est
sans doute pas un hasard de trouver, au sein même de la sous-traitance
informatique, une forte adhésion à cet idéal de technicité. La grande
horlogerie économique indique "l'état du marché" et ses
crises périodiques (1992-1993, 2001-2005). Mais de quoi est-elle faite,
cette horlogerie, si ce n'est de cette recherche éperdue de technicité ?
Pourtant, la technolâtrie du secteur fait rêver tous
les partisans actuels d'une explosion du droit du travail, et de cette
flexi-sécurité dont on va nous rabattre les oreilles. L'élite
informaticienne, composés de ses "militants du code", seule
voix informaticienne qui émerge au dehors du ghetto de la sous-traitance,
sait toujours donner le bon exemple. Ainsi s'exprime l'un de leurs
meilleurs élèves : « En fait, les programmeurs de la communauté
libre travaillent, qu'ils soient payés ou non. Et lorsqu'ils le sont, ils
travaillent jour et nuit » (5).
Reste à éliminer toute trace juridique de subordination. Fin 2002, au
plus fort de la crise, un expert du ministère des affaires sociales
prétendait ainsi que « ces départs [des salariés des SSII] ne sont
pas la conséquence de licenciements, très rares. (...) Ils sont cinq
fois moins nombreux que les démissions ». Les Echos soulignent
ensuite : « Voilà pour la mobilité de la main-d'oeuvre, choisie,
selon le Cereq. Elle annonce un marché du travail cadre très souple, se
souciant peu des règles du Code du travail » (6).
Tant que la « communauté » aura pour porte-parole des experts
passionnés « travaillant jour et nuit », comment pourrait-il en être
autrement ?
(1) Françoise Rabasse, ESC
Rouen, Le Monde Interactif, 04/12/01.
(2) Agnès Chauvin, Directrice du cabinet de recrutement Temps Dense, ibid.
(3) Stanislas de Bentzmann, coprésident de la SSII Devoteam, Les Echos,
12/11/2002
(4) « L'information gagnée par l'automatisation », La Tribune,
13/12/2002.
(5) Linus Torvalds, « Linux, du « gratuit » qui rapporte », Les
Echos, 04/07/2001.
(6) « La gestion des cadres dans les SSII fera des émules », La
Tribune, 07/11/2002. |
Déchets électroniques
La situation est sous contrôle
On va vous parler des déchets électriques et
électroniques (DEEE). On va vous dire que d'ici à la fin de l'année, la
législation européenne impose la collecte de 4kg de ces déchets, par an
et par habitant. On va vous parler de la responsabilisation élargie du
producteur (REP) qui sous-tend cette législation. Les industriels ont
fait le forcing pour contrôler et organiser eux-mêmes la filière du
traitement des déchets, et ça a marché. Pourquoi ? C'est un classique
de la décentralisation. Les collectivités locales ne pouvant augmenter
leurs impôts locaux, et l'Etat n'augmentant pas leurs ressources, elles
ont bataillé pour ne pas verser un centime.
Comme le titrait 01net l'année dernière, « Le PC se
met au vert » (1).
Traduisez : « Oubliez cette histoire de déchets, l'industrie s'occupe de
tout ». De fait, le 15 novembre prochain, ERP, Ecologic, Eco-systèmes et
Recylum vont recevoir l'agrément ministériel pour collecter et traiter
les déchets électriques et électroniques. On les appelle des
"éco-organismes". Ce sont en fait des sociétés financées et
gérées par les industriels (distributeurs, importateurs, producteurs)
qui, comme l'incite la législation, vont reporter ce financement sur le
prix de leurs marchandises.
Donc, si tout va "bien", le traitement des
DEEE deviendra économiquement viable pour trois ou quatre sociétés se
partageant le marché. Les industriels auront échappé au pire : la
fiscalité écologique de leurs activités polluantes. Les ordinateurs,
téléphones portables et autres produits électroniques pourront
continuer à être fabriqués et vendus en masse. Obsolètes toujours plus
vite. Non réparables. Consommant à la production autant d'énergie et de
matière qu'une voiture neuve, à partir de composants acheminés par
avion, flux tendu oblige. Opaques, vue de l'utilisateur, dans leur
consommation d'énergie. Ainsi, une étude indique que le fonctionnement
d'Internet aux Etats-Unis consomme 13% de l'électricité du pays (2).
Une autre indique que la version électronique d'un journal est
avantageuse sur sa version papier en termes de CO2 seulement si on passe
moins de 1.3 h sur un PC fixe et moins de 1.7 h avec un PC portable (3).
Quelle est l'utilité de cette prolifération pour la collectivité ? Le
débat ne risque pas d'être posé. Ni élus, ni association, ne
siègeront dans les éco-organismes. Les industriels en retireront
gratuitement une image écologique et citoyenne, payée par le simple
consommateur. D.
(1) 01net., 02/09/05
(2) Fabrice Flipo, Annabelle Boutet, François Deltour, Projet
E-dechets : Ecologie des infrastructures numériques, Rapport final,
GET, avril 2006, p. 24
(3) ibid, p. 105
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Appel à publier les décisions de
justice
Vous avez eu maille à partir avec votre employeur. Et
l'attaque devient une défense car malheureusement le néo-management nous
accule à des résolutions judiciaires de nos problèmes professionnels
quotidiens.
Les tribunaux ont rendu des arrêts. Que vous ayez
gagné ou perdu partiellement n'empêche pas que nous pouvons tous tirer
des enseignements de ces documents PUBLICS.
Ces documents pourtant publics étant très difficiles à obtenir sans
les numéros de référence et les noms précis des parties, nous
souhaitons en regrouper le plus possible pour que chacun puisse mieux
comprendre « comment
ça marche » pour se DEFENDRE. Manifestez-vous afin que l’on publie ces
documents sur le site...
L’e-RH
industrialise l’exclusion
J'ai découvert une société « innovante » en
Resources Humaines. De l’e-RH, ça s’appelle. Comme ont dit «
e-admistration ». Cette société offre une solution de traitement
automatisé des candidatures. On peut d’ailleurs la tester en se rendant
sur un site de recrutement qui l’utilise. On donne son CV au format
word, et le site recrache celui-ci sous forme de cases pré-remplies.
Le résultat est intéressant. Mon CV a servi à
remplir un certain nombres de cases : état-civil, poste recherché, date
et intitulé du dernier diplôme obtenu, années d'expérience (traduit
par « >10 »,
dans mon cas) et à sélectionner une série de mots-clés pour décrire
mes compétences, parmi un peu plus de 150 possibilités réparties en 6
rubriques. Mes compétences principales ont disparu. Dans un cas parce les
mots-clés retenus sont une désignation générique, alors que mon CV
mentionne explicitement différentes déclinaisons de celle-ci. Dans un
autre pour la raison exactement inverse, ou encore parce qu'au lieu de
parler « franglais », je m'exprime dans ma langue maternelle.
C’est bien sans doute avec ce genre de logiciel que l’e-RH
des entreprises traite industriellement des dizaines de milliers de CV (un
tel volume n’étant pas exagéré, comme on l’apprend sur le site de
la société). C’est-à-dire en excluant les profils qui ne sont pas
parfaitement ciblés par la machinerie e-RH. Et aussi en précarisant tout
le monde, puisque le travailleur réduit à quelques mots-clés est
d'autant plus aisément remplaçable au pied levé par un autre titulaire
des mêmes mots-clés. L’usage de tels outils par les spécialistes en
ressources humaines (à moins que ce soit l’inverse) s’inscrit
certainement dans une perspective plus générale où l’on sait très
bien quoi penser du qualificatif « humaines
» du sigle RH. Mais lorsque le travail salarié ne procurera plus ni les
jeux, ni même le pain ... gare aux lendemains qui déchantent. F. |